Agribusiness et énergie durable : les piliers du développement économique africain

À l’heure où le monde s’interroge sur les moyens de bâtir des économies plus résilientes, durables et inclusives, l’Afrique détient deux atouts stratégiques trop longtemps sous-estimés : ses terres et son soleil. L’agribusiness, d’un côté, incarne la promesse d’une souveraineté alimentaire durable et d’une croissance rurale équitable. L’énergie verte, de l’autre, représente la clé d’une transformation industrielle propre et compétitive.

Aujourd’hui, une nouvelle génération d’entrepreneurs africains connecte ces deux mondes. En alliant technologie, innovation et ancrage local, ils redéfinissent les modèles économiques du continent. Et si l’avenir de l’Afrique reposait sur cette double révolution ? Plongée au cœur de cette dynamique qui change les règles du jeu.

1. L’agribusiness, un levier sous-exploité au potentiel colossal

Avec plus de 60 % des terres arables non exploitées du monde, l’Afrique pourrait nourrir bien plus que son propre continent. Pourtant, elle importe encore des milliards de dollars de denrées chaque année. Un paradoxe que de nombreux entrepreneurs ont décidé de résoudre en misant sur une approche nouvelle de l’agriculture : plus productive, plus connectée, plus respectueuse des ressources naturelles.

La montée en puissance des agritechs en est l’illustration parfaite. Grâce à des applications mobiles, des capteurs connectés ou des drones agricoles, de jeunes pousses optimisent les rendements, prédisent les maladies des cultures, automatisent l’irrigation et connectent les agriculteurs aux marchés.

Cas d’école : l’essor des plateformes agricoles numériques

Des plateformes comme Agrix Tech, Tulaa ou Lima Links permettent aujourd’hui à des milliers de producteurs d’accéder à des intrants de qualité, à des conseils agronomiques en temps réel ou à des débouchés plus rémunérateurs. Ces innovations réduisent la fracture entre agriculture de subsistance et agriculture commerciale, tout en intégrant des millions de petits producteurs dans l’économie formelle.

Transformation locale : la clé de la valeur ajoutée

Si produire est une étape cruciale, transformer localement l’est encore davantage. Or, la majorité des produits agricoles africains sont encore exportés bruts, ce qui limite les retombées économiques et empêche la création d’emplois. Des entrepreneurs visionnaires investissent désormais dans des unités de transformation agroalimentaire de taille intermédiaire, capables de produire des jus, des conserves, des farines, des huiles, destinés aux marchés locaux et internationaux.

À l’image de Iya Bima Agro, qui valorise le manioc camerounais en snacks exportables, ou de Jumeni Agribusiness au Ghana, qui transforme la noix de cajou pour le marché ouest-africain, ces PME ouvrent une nouvelle voie pour industrialiser l’agriculture tout en réduisant la dépendance aux importations.

2. L’énergie renouvelable : catalyseur d’autonomie et d’innovation

Sans accès fiable à l’électricité, aucun développement industriel, agricole ou technologique n’est possible. Et pourtant, plus de 600 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à une électricité stable. Face à l’échec des modèles centralisés, de jeunes entreprises misent sur des solutions off-grid, solaires, hydrogène ou hybrides, parfaitement adaptées aux réalités locales.

Focus sur Renew Tech : le pari de l’hydrogène vert

Fondée en 2022 à Suresnes par Laurent Mendy et Ibrahima Sissoko, Renew Tech incarne cette nouvelle génération d’entreprises africaines qui conçoivent des solutions technologiques avancées, tout en visant un impact concret sur le terrain. Leur innovation ? Transformer l’énergie solaire en hydrogène propre, une source d’énergie verte à haut rendement, capable d’alimenter aussi bien des centres de données, des industries, que des ménages ruraux.

Leur modèle est simple, mais puissant : produire de l’énergie propre localement, en circuit court, sans dépendance aux réseaux nationaux souvent instables. Cette énergie alimente des usages critiques – stockage de données, systèmes de pompage agricole, chaînes du froid, production industrielle – avec une empreinte carbone quasi nulle. Un pas de géant vers la souveraineté énergétique.

3. L’interconnexion entre énergie et agriculture : une symbiose porteuse

L’agriculture et l’énergie ne sont plus deux secteurs isolés. Bien au contraire, leur convergence crée de nouvelles chaînes de valeur et des modèles hybrides, adaptés aux défis africains. On parle désormais d’agroénergie, un champ d’innovation stratégique.

Pompage solaire, irrigation intelligente et chaîne du froid

Dans des zones reculées du Sahel ou des Grands Lacs, des fermes solaires alimentent directement des systèmes d’irrigation goutte-à-goutte, permettant de cultiver toute l’année avec une consommation minimale d’eau. Des startups comme Solar Freeze (Kenya) proposent des chambres froides mobiles alimentées par l’énergie solaire, prolongeant la durée de vie des produits frais et réduisant les pertes post-récolte, qui atteignent parfois 40 %.

Ces solutions, autrefois réservées aux grandes exploitations, deviennent accessibles aux coopératives, aux agriculteurs individuels et aux agro-entreprises rurales. Résultat : des rendements doublés, des revenus améliorés, des populations stabilisées.

4. Une nouvelle génération d’entrepreneurs africains

Ce renouveau repose sur des femmes et des hommes déterminés, instruits, connectés au monde, mais profondément ancrés dans leurs territoires. Ils ne rêvent pas d’exporter leur talent, mais de bâtir des solutions locales, adaptées, durables.

Le profil type du bâtisseur africain de demain

Ils sont agronomes, ingénieurs, développeurs, designers ou financiers. Ils ont étudié en Afrique ou ailleurs, mais font le choix de revenir. Ils investissent dans leur pays, créent des emplois, forment leurs pairs, et surtout : ils redéfinissent le récit africain.

Ils ne veulent pas qu’on les sauve. Ils veulent qu’on les finance, qu’on les forme, qu’on allège les lourdeurs administratives, et surtout, qu’on leur fasse confiance.

5. Les freins à lever pour libérer le potentiel

Malgré cette effervescence, de nombreux obstacles persistent :

• L’accès au financement reste un casse-tête pour les jeunes entreprises.
• Les infrastructures logistiques, routes, stockage, internet, restent précaires.
• Les incitations fiscales et les politiques de soutien sont souvent absentes ou mal adaptées.
• Les talents techniques (techniciens, opérateurs, artisans) manquent de formation pratique.

Pour franchir un cap, il faut donc un véritable pacte africain autour de ces secteurs stratégiques : agribusiness, énergie, artisanat. Un pacte entre États, investisseurs, banques, diaspora et écosystèmes entrepreneuriaux.

6. Vers un modèle africain de développement durable

L’Afrique a l’opportunité unique de ne pas reproduire les erreurs du Nord. Elle peut inventer un modèle circulaire, inclusif, digitalisé, à faible émission, fondé sur ses ressources humaines et naturelles. Ce modèle ne viendra pas d’un grand plan international, mais de milliers d’initiatives locales, portées par des entrepreneurs audacieux, souvent invisibles, mais essentiels.

Ce modèle s’écrit aujourd’hui dans les champs de mil du Burkina, dans les fermes solaires du Bénin, dans les ateliers d’artisans connectés de Dakar ou d’Abidjan, dans les data centers décarbonés de Kigali ou de Lomé. Et surtout, il s’écrit avec fierté, confiance, créativité.

Saisir l’opportunité, maintenant

Il ne s’agit plus de savoir si l’Afrique peut se nourrir elle-même ou produire sa propre énergie. Elle le peut. La vraie question est : qui osera investir, former, bâtir, structurer et accélérer ce mouvement ?

Ceux qui prendront ce pari aujourd’hui seront les bâtisseurs d’un continent autonome, prospère et inspirant.

L’agribusiness et l’énergie renouvelable sont les piliers d’une souveraineté économique africaine en construction. Il est temps d’en faire des priorités stratégiques.

Ce contenu est issu du dernier numéro de Entrepreneurs Mag, disponible en ligne et auprès de nos partenaires. Découvrez les visages, les idées et les modèles qui transforment l’Afrique, un projet entrepreneurial à la fois.

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